« Dirty Diesel » – Les négociants suisses inondent l’Afrique de carburants toxiques

Les sociétés suisses de négoce comme Trafigura inondent les pays africains de carburants toxiques qui ne pourraient jamais être vendus en Europe. Les conséquences sur la santé de la population sont désastreuses.

La pollution de l’air en Afrique : une bombe à retardement

Les grandes villes africaines ne cessent de croître. D’ici à 2050, la population urbaine du continent aura triplé. Cette croissance démographique s’accompagnera d’une augmentation significative du nombre de voitures, et donc des gaz d’échappement, de la pollution de l’air et des maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Dans les villes africaines, la pollution de l’air représente déjà un problème majeur de santé publique. La qualité de l’air est pire à Dakar ou Lagos qu’à Pékin, qui fait pourtant régulièrement la Une des journaux en raison de son smog. Une étude publiée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en mai 2016 a montré que la ville d’Onitsha, au Nigeria, est la plus polluée de la planète. Les gaz d’échappement sont l’une des premières causes de la pollution de l’air aux particules fines, dont les effets néfastes sur la santé sont importants : asthme, bronchites, maladies cardiovasculaires, cancers.

Pollution de l’air aux particules fines dans certaines villes asiatiques, africaines et européennes

Bien que Paris ou Londres comptent nettement plus de voitures que Lagos ou Dakar, la qualité de l’air est bien plus mauvaise dans ces villes africaines. Comment l’expliquer ?
Si les véhicules polluent beaucoup plus en Afrique qu’ailleurs, c’est essentiellement en raison de la mauvaise qualité des carburants qui y sont vendus. Le soufre est l’un des principaux constituants à l’origine des émissions de particules fines par les moteurs à essence et à diesel.
Il entrave le bon fonctionnement des catalyseurs et des filtres à particules dont sont équipés les véhicules modernes afin de réduire les émissions polluantes. Les dangers que représente le soufre pour la santé des êtres humains et de notre planète sont connus de longue date. Afin d’y remédier, la teneur en soufre autorisée pour les carburants a été drastiquement réduite en Europe et en Amérique du Nord. Cette mesure a permis de diminuer de manière significative les émissions de particules fines et de lutter efficacement contre la pollution de l’air.

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La situation est tout autre en Afrique, où les niveaux de soufre autorisés sont en moyenne 200 fois plus élevés qu’en Europe. Notre enquête montre que la teneur en soufre des carburants vendus dans certains pays africains représente jusqu’à 378 fois la limite admise en Europe.

Si aucune mesure n’est prise, la pollution de l’air liée au trafic routier causera, durant l’année 2030, la mort prématurée de 31 000 personnes en Afrique, soit trois fois plus qu’en Europe, aux Etats-Unis et au Japon réunis. Le nombre de personnes souffrant de maladies chroniques explosera. L’adoption de standards plus stricts en Afrique permettrait en revanche de prévenir le décès prématuré de plus de 100 000 personnes en 2050. Il est grand temps d'agir !

Si les gouvernements africains portent une grande responsabilité, ils ne sont pas les seuls coupables de cette situation délétère. Les sociétés faisant le commerce de ces carburants toxiques, qu’elles ont cyniquement nommés « qualité africaine », contribuent à la pollution de l’air en Afrique, en toute connaissance de cause.

L’enquête menée par Public Eye met pour la première fois en lumière le modèle d’affaires scandaleux au cœur du secteur des carburants en Afrique. Le rapport « Dirty Diesel » révèle comment des négociants en matières premières profitent systématiquement de la faiblesse des standards dans ces pays pour y vendre des carburants toxiques et réaliser des profits substantiels, au détriment de la santé des Africains et des Africaines. Les principaux acteurs de ce commerce sont des sociétés domiciliées en Suisse, pays qui se targue de sa propreté et de la pureté de son air. Notre enquête le montre : les négociants helvétiques dominent le marché des carburants de « qualité africaine » en Afrique de l’Ouest.

Découvrez les rouages de ce modèle d’affaires illégitime.

© Photographies : Fabian Biasio, 2016
© Photographies : Carl De Keyzer, Magnum, 2016

Pour mettre un terme au commerce de carburants toxiques